Tribulations d'un Français en Inde - Taj Mahal !

Publié le 17 Janvier 2012

Je quitte Delhi 2 jours pour aller visiter le symbole de l'Inde : Le Taj Mahal ! Etonnamment monument Moghol. L'Inde est riche d'une histoire métissée de conquêtes, de colonialisme, d'indépendance et de religions. Tout cela se mélange dans un délicieux syncrétisme (je vous laisse aller voir la définition de ce mot dans le dictionnaire...)

Je me mets donc en mode touriste un peu moins baroudeur, prêt à mettre ses pas dans ceux des 500 000 occidentaux qui chaque années visitent ce monument et 2,5 millions en tout (il faut dire qu'ici les Indiens ne payent pas le même prix que les étrangers pour profiter de leurs trésors culturels ce qui est plutôt bien !)

Dans la New Delhi Railway Station, les haut-parleurs nasillards ne cessent d'annoncer des trains au départ, annulés ou retardés (ce qui semble assez fréquent...), en hindi puis en anglais. Sur les quais, comme dans toutes les gares du monde, la foule se bouscule sur les passerelles dominant les quais pour atrapper son train. De temps en temps le sifflement d'une loco couvre la voix de la femme qui inlassablement répète pourtant ses quais, ses numéros de trains et ses excuses pour les retards. Le Kerala Express (le nom à lui seul sent bon l'Inde) attend sur le quai numéro 3. A la porte de chaque wagon des listes de noms rappellent aux voyageurs où ils sont assis ; comme le dit le Routard, une manière d'être sûr que nous sommes à la bonne place du bon wagon du bon train... Ces longues listes sont imprimées sur le vieux papier à trous qui passe dans les imprimantes à jet d'encre au délicieux frétillement.

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Je suis assis en Sleeper Class. Loin de la première classe mais bien plus foisonnant et vivant. Les banquettes sont bleues et se relèvent pour en faire des couchettes, la nuit. Les fenêtres, qui ferment mal, ont des petits volets ajourés. Le marchand de journaux passe dans le train, quelques mendiants profitant de l'arrêt dans une gare pour monter, puis des vendeurs de toutes sortes annonçant en boucle leurs produits : jouets, peluches, repas, chips, fermetures eéclair, bonbons...

Aucune annonce dans le train. Pour savoir où il faut descendre, le mieux est encore d'interpeller son voisin, en espérant qu'il parle anglais (seule 5% de la population le parle...)

Agra Cantonment. Gare d'arrivée pour moi, avec 2 heures de retard. Le train repart, il roulera sur 3000 kilomètres à travers toute l'Inde pendant plus de 48 heures. J'atrappe un RickShaw pour me fondre dans la foule des touristes qui va visiter le fort d'Agra au coucher du soleil. Des babouins nous saluent à l'arrivée, encore quelques perruches sur les pierres rouges du fort. Nous nous faisons virer à coups de sifflet quand le soleil est parti. La plupart des sites touristiques n'ont pas d'heures précises d'ouverture. Ils sont ouverts "du lever au coucher du soleil".

Le soir avant de rentrer un RickShaw me promène de l'autre coté de la Yamuna, sans que je lui demande quoique ce soit. Des vendeurs à la sauvette tentent de me vendre des t-shirts du Taj Mahal. Je prends quelques photos et alors que le chauffeur de RickShaw demande une petite rallonge pour ce détour non voulu, j'insiste pour repartir vers l'hôtel dans le Taj Ganj, quartier au pied du mausolée, plein de touristes japonais, français et de tout le monde chacun s'installant dans un des nombreux restaurants pour profiter de la soirée. Avant de me coucher, je perds un match de badminton avec un moignon de raquette contre un jeune indien visiblement bien plus habitué que moi à ce petit manche et à ce volant déplumé...

 

6h30, je veux voir le Taj à son réveil, lorsque le soleil l'éclaire tout juste et qu'il est encore dans les brumes du matin. Cela a un autre avantage : je ne subis pas ainsi la foule des touristes, pas de queue à la billetterie, peu de queue à la fouille en règle à l'entrée (on me fait vider tout mon sac, mais on ne m'enlève pas mon couteau, curieuse Inde, paranoïaque et parfois si négligente...) puis j'arrive devant une grande porte en pierre rouge presque tout simple. Le Taj Mahal se cache derrière, imposant, majestueux, légèrement perdu dans la brume, au bout d'un long jardin. Je prends les photos que tout le monde prend, mais ce seront mes photos. Et ça change tout. Les Indiens s'habillent comme un dimanche pour aller visiter le mausolée de la préférée de l'empereur Shah Jahan, hymne à l'amour selon certains, preuve d'un orgueil démesuré selon d'autre. On s'en fout, c'est beau !

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Je quitte avant l'arrivée des cars touristique et continue la visite vers Fatehpur Sikri, un petit village fantôme de 30 000 habitants où un gigantesque palais a été construit par un autre empereur. Palais qui ne fut pas utilisé plus de 15 ans, la sécheresse ayant poussé la cour à quitter la région. Tous les bâtiments ne sont pas terminés et nous nous perdons, avec un Bretonne rencontrée dans le bus pour venir ici, dans les ruines parmi les chèvres bien couvertes pour l'hiver. quand nous revenons dans le village, des enfants nous poursuivent pour avoir un crayon, du chocolat, quelques pièces. Nous rigolons avec eux. et rejoignons Agra.

 

Agra... La misère me prend à la gorge. Pas que la ville soit plus pauvre qu'une autre mais je décide de flâner dans la gare en attendant le train qui doit me ramener à Delhi. Les trains ont encore des noms de rêve : Taj Express, Punjab Mail... La même agitation règne ici que partout ailleurs, mes mêmes cris, les hauts parleurs qui sans cesse annoncent quais, noms de trains et recommandations. Les voyageurs attendent, comme partout ailleurs. Parmi eux, des enfants naviguent, vêtements rapiécés, dépareillés, la figure et les mains sales, le regard vide et triste. Ils quémandent de quoi manger, juste quelques piécettes. Ici, en ville, ils n'ont pas les champs qui pourraient les nourrir. Ils récupèrent les miettes que leur laissent les voyageurs, ils longent les rails à la recherche de quelque chose qui pourrait apaiser leur faim, même juste un peu. Ils ont élu domicile ici, sur le quai trois de la gare d'Agra. Ils compressent des bouteilles en me jetant de temps en temps un regard envieux. Je pourrais leur donner un paquet de gateaux, acheter un de ces petits plats à emporter de ceux qu'ils vendent dans la gare. Mais serait-cer les aider ? Si je donne à celui-là qui écrase des bouteilles sans que je sache bien pourquoi, pourquoi pas à celui-là aussi que les jambes ne peuvent plus porter ou à celle-ci qui tient son petit frère dans les bras ? cela changerait-il quelque chose ? Je pourrais donner tout ce que j'ai que cela ne suffirait pas ne serait-ce que pour les enfants de cette gare. Ne rien faire ? Etre là juste ? Oui mais pour faire quoi quand le ventre crie et que le froid pince ? Celui qui écrase des bouteilles s'approche de moi. Il ne demande rien, et me regarde juste écrire. Il ne se doute certainement pas que je parle de lui. Je lève la tête et lui sourit. Il ne demande rien. Il revient avec un ami, de la gare aussi. Ils ne demandent rien, ils regardent le carnet et tournent les pages et sourient. Que faire ? Donner à l'un ne serait pas juste. Mais ce serait déjà ça. 

Donner.

Donner.

Donner.

Donner un peu de notre superflu pour soulager notre conscience peut-être, s'endormir avec des rêves doux quand lui s'enfoncera dans la nuit, le ventre vide, se battant pour un paquet de biscuits et ne trouvant pas le sommeil.

 

Encore une fois cette Inde m'invite à l'humilité.

 

Je termine ce Regards sur une image peut-être misérabiliste. Pourtant, plus que les vieilles pierres, plus que cette pauvreté criante, je garde de l'Inde l'image d'un pays foisonnant, vivant, multiculturel et délicieux (je vous rassure, pas dit que je pourrais y vivre, mais 15 jours sont bien trop peu, parce que c'est juste ce qu'il faut pour s'habituer à l'âcreté de la poussière...)

François Merriaux

Rédigé par AEP Saint-O

Publié dans #Souvenirs... Souvenirs...

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