Une histoire de bonbons
Publié le 11 Novembre 2011
Nous étions tous bien installés sur la table, au chaud dans notre boîte encore fermée. Alors nous n'entendions pas bien au début. Il était encore tôt et autour de la table, plein de bouches étaient assises. Endormies, fermées, souriantes, inquiètes peut-être. On sentait bien que c'était le matin. Le café trônait à coté de nous.
C'est alors que la mère de Solenne est venue nous parler. Solenne rejoindra le groupe à la prochaine rencontre, parait-il. Sa mère parle de la différence. Solenne est handicapée.
Alors des mains nous prennent et nous font prendre l'air. Nous passons entre toutes les mains et rejoignons pas mal de bouches. Nestor et Alfred, un nounours rouge et un nounours vert disparaissent sous mes yeux. Je me recroqueville au fond de la boîte. La dame arrête de parler, elle demande s'il y a des questions. Toutes les bouches sont pleines de gélatine de mes amis ! Pas de questions.
Chacun prend alors la parole en présentant un objet qui parle de sa foi. Moi je ne comprends pas bien tout, je ne crois pas en grand chose
sinon que d'ici la fin de l'heure je vais disparaître, englouti par deux lèvres affamées. C'est effrayant ! Chacun montre l'objet. J'ai un peu de répit pendant que chacun en parle : un gros livre
sans images qu'ils appellent une Bible, un galet qui leur fait penser à ce qu'ils ont fait de mal (ils nous avalent sans pitié et ne pensent pas que cela soit mal pourtant !), une tablette de
chocolat qui elle n'a pas la chance d'être avalée (parait que c'est bon et parfois amer, que cela se partage, comme ce qu'ils appellent la foi), un foulard tatoué...
Je suis toujours au fond de la boîte. Pénélope vient de se faire dérouler par un garçon qui grignote son réglisse petit à petit. Les larmes me viennent, j'aimais bien Pénélope... Je crois même que j'étais amoureux. Mais un crocodile jaune amoureux d'un rouleau de réglisse ça fait pas tellement sérieux, alors je garde mes sentiments pour moi.
Puis l'un, vieux, qui a été plutôt sympa avec nous parce qu'il a pas beaucoup pioché dans la boîte, sort une caisse avec des cordes, gratte dessus et se met à chanter. Pendant ce temps là les autres ne pensent pas à manger. C'est un peu de répit pour moi.
Il demande ensuite à chacun ce que c'est qu'être chrétien. Ils doivent faire partie d'une espèce particulière d'hommes. Ils disent qu'ils croient en Dieu qui est aussi un certain Jésus et un Saint qui s'appelle l'Esprit, un sacré mic-mac, comme dans ma boîte de Tirlibibi avant qu'elle ne soit vidée. Ils sont tous différents et nous partagent.
Enfin, une autre dame lit des passages du gros livre et ils partent chacun avec une feuille pour écrire une lettre sur leurs doutes, leurs questions, où ils en sont dans leur foi. Moi je n'ai aucun doute : avant qu'ils ne soient tous partis, je serais croqué.
Un jeune au bonnet quitte la pièce avec sa feuille. Il hésite puis revient, il plonge sa main dans la boîte et m'attrape.
La suite je ne peux pas la raconter, je n'étais plus là pour la voir...