Méditation sur le Mercredi des Cendres
Publié le 22 Février 2012
Evangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu
01 Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait : « Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Autrement, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux.
02 Ainsi, quand tu fais l'aumône, ne fais pas sonner de la trompette devant toi, comme ceux qui se donnent en spectacle dans les synagogues et dans les rues, pour obtenir la gloire qui vient des hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
03 Mais toi, quand tu fais l'aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite,
04 afin que ton aumône reste dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
05 Et quand vous priez, ne soyez pas comme ceux qui se donnent en spectacle : quand ils font leurs prières, ils aiment à se tenir debout dans les synagogues et les carrefours pour bien se montrer aux hommes. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
06 Mais toi, quand tu pries, retire-toi au fond de ta maison, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
16 Et quand vous jeûnez, ne prenez pas un air abattu, comme ceux qui se donnent en spectacle : ils se composent une mine défaite pour bien montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Amen, je vous le déclare : ceux-là ont touché leur récompense.
17 Mais toi, quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi le visage ;
18 ainsi, ton jeûne ne sera pas connu des hommes, mais seulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra.
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Alors que les liturgies orientales parlent du «grand et saint samedi» en évoquant, par une méditation poignante, l’absence de Dieu et Jésus au tombeau, sans doute que la liturgie catholique pourrait remettre à l’honneur le mercredi… Il passe bien souvent à la trappe dans un monde surmédiatisé, où tout le monde est plus attiré par ce qui brille que par ce qui est discret… N’aurait-on pas à gagner quelque chose en évoquant la beauté et la grandeur du mercredi des cendres ?
Beauté. Parce que son dépouillement n’en est pas pour autant insignifiant. Bien au contraire, c’est toute la tendresse de Dieu et son Amour miséricordieux qui y est mystérieusement caché… Comme un graine enfouie dans la terre et que l’on ne voit pas…
Grandeur. Parce que le geste même d’entrée en carême par la « signiation » avec les cendres sur notre front, nous dit déjà tout le mystère de Pâques dans notre vie ! D’ailleurs, il n’y a que cela comme geste qui différencie du temps ordinaire… Comme quoi, on passe d’un temps liturgique à un autre, sans presque sans rendre compte. C’est quelque chose qui se joue «le secret», dans «l’intériorité», dans cette recherche permanente du «caché».
Alors essayons de découvrir ce qui se passe à l’intérieur, passons la porte pour y être initié…
Il y a d’abord un geste….
Geste barbant et monotone pour certains, friands de sensations fortes…
Geste au combien dépouillé, mais au combien signifiant pour celui qui veut le comprendre…
Faire un signe de croix sur le front…
Un signe de croix sur le front…. D’ailleurs pourquoi le front ? Peut-être que tu ne t’en souviens pas et que le souvenir est trop loin. C’est par ce même geste que ta vie de croyant dans la communauté chrétienne a commencé. C’est par ce geste que la relation profonde avec Dieu a commencé pour toi : c’est par un signe de croix sur le front que l’on commence la liturgie baptismale, geste des commencements et geste d’accueil. Le prêtre, les parents, parrains et marraines vont poser ce même geste sur celui qui va être baptisé. Ainsi la démarche d’introduction du carême te replonge directement à la source, au commencement. C’est un geste qui fait le lien entre ta vie d’aujourd’hui, et ce qui s’est passé au début. C’est en quelque sorte retrouver tes racines les plus profondes. Racines de communion avec les autres croyants. Mais également racines de communion avec Dieu le Père. Ainsi le carême t’invite dès le début à retrouver tes racines les plus profondes, à plonger aux sources même de ta vie humaine et spirituelle.
… Avec de la cendre…
Là aussi, pourquoi de la cendre ? Un simple signe de croix sur le front ne suffit pas ? Pourquoi y adjoindre cette matière qui salit ?
La cendre est déjà un élément biblique qui rappelle le sens même de la conversion. Se rouler dans la cendre lorsqu’on se rend compte du mal que l’on a pu faire, tel était le geste des prophètes de l’Ancien Testament lorsqu’ils voulaient changer de vie.
La cendre dans la Bible n’avait pas une dimension culpabilisatrice. Encore moins un sentiment d’angoisse et de peur. Bien au contraire se recouvrir de cendres était le signe de la confession de foi en la miséricorde de Dieu. Les prophètes et les rois de l’Ancien Testament ont, à ce moment là, exprimé de sublimes prières pour confesser la miséricorde et l’amour de Dieu.
Dans la mythologie antique des pays babyloniens, qui ont largement influencé l’Ecriture des récits bibliques, la cendre a une connotation assez forte. Elle est un rappel lointain de la poussière avec laquelle Dieu a façonné l’humanité. C’est un signe de naissance, de création. Mais c’est également un signe de re-naissance, de re-création. Il n’y a qu’à penser au mythe grec du phœnix, qui renaît de ses cendres.
Mais n’oublions pas l’essentiel…. La cendre est avant tout l’engrais du pauvre. C’est un fertilisant. Modeste certes, mais efficace… La cendre c’est ce que l’on jette sur la terre des jardins pour la fertiliser. Alors c’est le signe d’une vie qui va germer, qui va grandir…
Alors tu vois, la cendre dont ton front va être recouvert n’a pas une connotation culpabilisante ou bien humiliante. Ce n’est pas t’enfoncer encore plus dans ton mal. Au contraire, c’est une promesse qui va s’ouvrir. Signe de renaissance, de « re-création ». A partir de ce moment, quelque chose est appelée «à germer», à grandir dans ta vie, alors que peut-être tu te crois sans vie, sans projet, accablé par la solitude sous toutes ses formes
Comme la personne, humble et modeste, qui répand sur sa terre vide d’existence les cendres pour la fertiliser et la rendre riche, le geste du mercredi des cendres te fait devenir cette terre. C’est toute ta vie, avec ses déserts, ses friches, qui va devenir un sol riche, pour que quelque chose puisse germer
C’est déjà le don de Dieu à travers le mystère de la Croix, que tu vas pouvoir retrouver. La cendre évoque un mystère de conversion et un mystère de confession. Conversion parce que ta vie est appelée à changer. Confession parce que tu seras amené à redire ta foi en l’amour de Dieu et en sa miséricorde. Alors comment comprendre ce mystère de conversion et ce mystère de confession ?
Ecoute alors la formule qui accompagne le geste, une phrase en 2 parties.
« Convertissez-vous, croyez à l’Evangile… »
Et c’est par cette simple formule que nous recevons, au début de chaque carême, les cendres sur notre front. Geste antique au combien répété, tout au long de l’histoire de la liturgie.
On te dit d’abord «Convertissez-vous et croyez à l’Evangile». Cette gradation dans les termes n’est pas là au hasard. On pourrait mettre la foi en avant, et se convertir, comme en réponse à notre confession de foi. Or là, la liturgie nous invite d’abord à nous convertir, à faire un changement concret dans notre existence. Puis, de croire à l’Evangile, c'est-à-dire à confesser notre foi en Dieu, qui est notre Sauveur.
La phrase est symboliquement très forte dans le langage biblique. Déjà Isaïe invite à la conversion du cœur, plutôt qu’aux paroles liturgiques. Déjà Isaïe montre que la conversion se traduit par des gestes concrets de partager le pain avec celui qui a faim, de « errer » avec celui qui est comme enfermé dans ses problèmes, à cause de ses fautes. Jésus dans l’Evangile le redit à sa manière, avec sa formulation très codifié, très répétitive. Si Jésus insiste tant sur la dimension de secret, c’est peut-être pour mieux mettre en valeur ce qui vient du plus profond de nous-mêmes. Le culte de l’apparence nous fait rester à l’extérieur, et nous restons hors de nous-mêmes et de notre intériorité. La conversion, n’est pas une accumulation extérieure, mais un changement radical, qui vient du plus profond de nous et qui se manifeste dans les gestes concrets. Se convertir, c’est faire les choses avec son cœur Se convertir, c’est du plus profond de nous, mettre tout ce qui fait notre vie au service de la charité en acte, de la vie bonne, et de la sagesse. Se convertir c’est vraiment faire advenir notre humanité dans ce qu’elle a de plus grand et de plus beau. Se convertir c’est, du fond de notre cœur, changer notre quotidien. Cela passe par un travail profond sur notre propre humanité. Ainsi cette première partie t’invite à ne pas faire semblant, change vraiment ton quotidien. Faire grandir sans cesse ton cœur. Faire grandir sans cesse tes capacités à aimer à te donner. Pour changer. Mets tes pas dans ceux de Jésus-Christ, et suis sa Parole. Pourquoi suivre sa Parole ?
«…Croyez en l’Evangile»… Voilà la boussole pour guider ton changement de vie. Beaucoup changent de manière de vivre, mais est-ce à la suite de l’Evangile ? Si tu veux changer ta vie, tu ne peux pas faire ce que tu veux, ce que tu juges bon pour toi et pour les autres. L’exemple de la vie de Jésus est essentiel. Sa Parole est là, pour toi aujourd’hui pour te venir en aide. Est-ce que tu crois que Jésus peut t’aider, par sa Parole et l’exemple de sa vie, à discerner ? En t’approchant et en manifestant ton désir pour recevoir les cendres, c’est le désir de ta conversion, de ton changement humain que tu manifestes. Mais c’est aussi un appel à reconnaître que seul tu ne le peux pas. Tu as besoin d’aide et Jésus seul peut te l’apporter par sa Parole. En te disant «… Croyez en l’Evangile» le prêtre t’invite alors à renouveler ta foi. Tout comme les prophètes et les rois, qui en se mettant dans la cendre adressaient à Dieu leur foi et leurs prières, tu es invité à faire de même. Ce sera à toi, de prendre le temps du carême pour renouveler ta foi, et retrouver tes racines profondes. Ce sera à toi de retrouver le sens même de ton engament de foi. Le carême pourra alors être le moyen de te demander si tu crois en Dieu, en celui que Jésus est venu révéler. Faire donc grandir en toi la foi, voilà un autre élément pour le carême
Tu veux approfondir la foi. Cela implique, que dans le même mouvement, tu changes concrètement ta vie. Tu veux changer concrètement ta vie. Cela implique, que dans le même mouvement, tu approfondisses ta foi, car sans Dieu, nos efforts sont vains.
Alors que la dynamique de ce geste simple et dépouillé,
Te communique toute sa richesse, et
Qu’il te pousse sur le chemin du carême…
Un chemin de promesses…
Grandir en humanité, grandir en spiritualité…
http://paroissecatho.boulay.free.fr/meditation_pour_le_mercredi_des_cendres.html