Diocèse d'Arras - Marche de Boulogne - Conversation avec Mgr Harpigny, Mgr Jaeger et Père Denis Larzet
Publié le 25 Août 2007
Frédéric : Monseigneur Guy Harpigny, Monseigneur Jean-Paul Jaeger et le père Denis Larzet vont passer une heure environ avec nous. N'hésitez pas à
leur poser toutes les questions que vous voulez...
(Silence)
Frédéric : c'est souvent le plus timide qui commence... Peut-être pourriez-vous vous présenter monseigneur Harpigny ?
Mgr Harpigny : Je viens du diocèse de Tournai, à 27km de Lille. Un diocèse d'environ 1200000 habitants. On y parle un peu le français...
Amélie : Mgr Jaeger, on vous voit souvent auprès de jeunes (Lourdes, la Marche de Boulogne, JDJ...), qu'est-ce que cela vous apporte de vivre ces moments-là ?
Mgr Jaeger : mon ministère de prêtre était en priorité auprès des jeunes, d'où l'intérêt que je porte à la pastorale des jeunes aujourd'hui. Le contact avec les jeunes est
capital, car dans les église nous sommes plus souvent en contact avec des personnes du troisième voire du quatrième âge. Il ne faut donc pas perdre une occasion de rencontrer des jeunes, pour
s'imprégner de leur culture, elle est très différente de celle de mon époque. Il faut savoir à qui on annonce la Bonne Nouvelle de l'Evangile, il faut connaître les jeunes.
Comme je le rappelais hier dans l'homélie, pour les jeunes, la Réconciliation est un sacrement qui compte beaucoup aujourd'hui, ça n'a pas toujours été le cas.
En plus, cela m'empêche de trop vieillir. (Rires)
Vous serez demain les forces vives de l'Église, vous prendrez des responsabilités qu'occupent les adultes aujourd'hui. l'Église doit poser quelques jalons pour l'avenir.
Notre mission est de vous aider à être disciple du Christ.
Jean-Luc : Avec un ami nous avons fait Calais - la Hollande en solex. Est-ce que vous, vous faîtes du solex ?
Mgr Harpigny : Non désolé, beaucoup de monde fait du vélo en Belgique, mais de solex, pas trop. Combien de temps pour rallier Calais à la Hollande ?
Jean-Luc : 3 jours sur la route.
Guénolé : Est-ce que vous pouvez nous décrire comment les jeunes belges se sentent chrétiens ?
Mgr Harpigny : il faut distinguer plusieurs régions en Belgique. Tout d'abord le nord. Auparavant, tout ce qui était de la société était catholique. A partir des années 60 - 70
il y a eu un retournement. Beaucoup de jeunes sont devenus anti-cléricaux et l'image des cathos étaient plutôt négative. Ils les voyaient comme des personnes toujours influentes...
Les jeunes qui restent chrétiens doivent donc se manifester comme une contre-culture par rapport à l'esprit général. Ils ont besoin du soutien des adultes et de se retrouver. Des associations se
créent pour aider les jeunes.
Dans la partie sud de la Belgique en revanche, c'est un peu comme ici. Il n'y a pas une ambiance très catholique dans la société. Dieu n'est pas important dans la culture, les jeunes sont plutôt
libres, ils disent qu'ils sont chrétiens sans problèmes. Les jeunes de moins de 25 ans n'ont aucun complexes vis à vis de l'Église, de Benoît XVI, des évêques etc... contrairement aux adultes
d'avant 68 qui ont parfois plus de mal.
Dans la partie sud il y a vite une ambiance internationale car l'immigration y a été très forte (italiens, asiatiques, africains...)
Franck : cette hiver les rencontres de Taizé ont lieu à Bruxelles, y participerez-vous ?
Mgr Harpigny : oui ! Nous sommes tous convoqués, c'est important, depuis 1980 on demande à ce que cette rencontre se fasse à Bruxelles ! Donc c'est très important pour les
jeunes.
Blandine : Aujourd'hui, vous êtes évêques, ou doyen, avez-vous déjà eu de gros doutes au niveau foi ?
Mgr Harpigny : Je suis né dans une famille chrétienne, avec une éducation très traditionnelle. J'ai pensé très tôt que j'étais appelé à devenir prêtre. A 17 ans j'ai pris la
décision et je l'ai annoncée à 18ans à ma famille. Je n'ai jamais eu de doute qui remette tout en cause. Mais j'ai eu beaucoup de difficultés a accepter d'être accompagné par des personnes qui
changeaient souvent d'avis pendant ma formation. Le fonctionnement de l'Église faisait qu'elle changeait souvent d'orientation et je me demandais souvent que ce
que l'on voulait de moi. Mon ordination a donc été comme un soulagement.
J'ai eu l'occasion, lorsque j'étais formateur au séminaire, de vivre des retraites, dont certaines avec des prédicateurs qui ont été très influents dans mon itinéraire spirituel. L'un d'eux, au
cours d'une retraite, nous a demandé de prier 4 heures par jours, 4 fois 1 heure. Pas plus et pas moins. Cela m'a beaucoup apporté de voir que malgré toutes nos occupations, nous pouvions nous
ménager 4 heures de prières par jour...
Mgr Jaeger : nos itinéraires sont à peu près identiques. J'ai grandi dans un climat chrétien. En France c'est assez paradoxal, on se chamaille mais on ne peut pas vivre les uns
sans les autres. Notre laïcité est ancrée dans des valeurs chrétiennes.
Quand j'étais jeune, l'église catholique était encore une réserve de valeurs, elle faisait référence pour beaucoup de choses, les prêtres étaient très présents. l'Église avait beaucoup
d'activités de jeunes. J'ai connu cette grande mutation, commencée en 68. Ma formation était très traditionnelle et nos formateurs au séminaires justifiait avec le même aplomb qu'avant 68, tout
le contraire de ce qu'il nous disait avant 68. Cela ne m'a pas perturbé.
J'ai eu depuis ma plus tendre enfance la certitude que Dieu m'aimait, que moi j'avais beaucoup de mal à l'aimer, mais que lui m'aimait. Jusque là j'ai toujours été heureux dans l'Église Je crois
qu'une de nos force est d'avoir des racines chrétiennes.
J'ai eu des doutes par rapport à moi, à la réponse que j'apportais à ce que le Seigneur me demandait, mais je n'ai jamais eu de doutes envers l'Église, parce qu'elle m'apporte beaucoup de
joie.
Ce qui m'aide c'est de savoir que je suis toujours dans la main de Dieu, même si ma réponse est parfois un peu pauvre.
Père Larzet : à 10 ans, à mon entrée en 6ème, j'ai annoncé à mes parents que je voulais être prêtre. J'ai eu une formation très classique et était déjà sorti du séminaire en 68.
Le séminaire me paraissait parfois assez archaïque. J'étais dans une classe plutôt rebelle. Au niveau de ma vie spirituelle il n'y a jamais eu de rupture, mais une réelle évolution.
Notamment avec les interpellations de mes paroissiens.
Je me demande souvent si je roule vraiment pour Jésus-Christ ! On a parfois tendance à rouler pour soi-même. C'est une question qu'il faut pourtant avoir en tête.
Frédéric : encore 2 questions, David et Violette, Violette d'abord peu-être ?
Violette : quel est votre plus beau témoignage de foi à travers toutes vos rencontres ?
Mgr Jaeger : (un temps de réflexion... sourire) David va poser sa question...
David : Avez-vous déjà confirmé des triplés ?
Mgr Harpigny : Non...
Mgr Jaeger : Je vais expliquer... Et cela rejoint la question précédente parce que c'est un beau témoignage de foi. Alexandre, Franck et David qui font leur parcours de foi et
demandent à être confirmés en même temps c'est pas banal. Ca fait partie de ces témoignages de foi très beaux et très simples.
Ce qui me touche toujours c'est le témoignage des handicapés.
Lorsque j'étais évêque à Nancy, je confirmais de temps en temps dans un centre pour poli-handicapés, c'était des situations très difficiles. Lorsque je m'apprêtais à y aller jebdisais "Seigneur,
aujourd'hui c'est ton Esprit qui va travailler." On ne sait jamais comment ça va tourner. Un jour une fille, dans la chapelle, ne voulait plus être confirmée, elle écoutait son baladeur. Au
moment de l'onction, elle ne voulait pas s'avancer alors je suis allé au fond de l'église. Lors de la prière eucharistique un petit garçon s'est approché, a pris le calice, puis l'a remué. Je ne
savais pas quoi faire. Je lui ai posé la main sur la tête. Au bout d'un moment il l'a reposé et est resté près de moi.
A la fin, les parents me remerciaient "vous avez traité nos enfants comme n'importe quel autre enfant."
Mgr Harpigny : parmi les plus beaux je me souviens d'une religieuse qui d'abord était musulmane, en Égypte et qui, à l'insu de sa famille a demandé le baptême. Puis elle a quitté
le pays et a choisi de devenir religieuse. Dans la foi il faut parfois faire des choix difficiles. L'amour du Seigneur change profondément nos vies.
J'étais cette semaine à lourdes avec un groupe de jeunes. Et parmi eux il y en avait un de 14 ans. Sa soeur, au cours d'un temps de partage, raconta qu'il était né avec une maladie que les
docteurs dirent incurable, il ne pourrait ni écrire, ni parler et mourrait très jeune. Le médecin de famille avait alors conseillé une seule chose : prier. Aujourd'hui, ce jeune écrit, parle et
vit comme tout le monde, avec sa maladie.
Père Larzet : une dame de 50 ans a été baptisée il y a peu, elle est débordante de joie. Avant son baptême, dans le bus elle annonçait à tout le monde qu'elle allait être
baptisée.
Mgr Jaeger : si vous rencontrez des catéchumènes, ils ont des témoignages bouleversants. L'un d'eux, au bureau, avait mis une icône et aux collègues qui s'en étonnaient il
répondait : "Eh oui, je crois en Dieu, vous vous mettez bien des femmes à poil dans vos bureaux, moi je mets Jésus-Christ dans le mien..."
Marco : Pourquoi les évêques portent-ils une croix ?
Mgr Jaeger : Dans l'Église on aime bien s'exprimer par la symbolique, parce que parfois le discours n'est pas facilement compréhensible par tous. Un peu comme vous l'avez fait
hier lorsque vous avez mimez l'Evangile. Pour rappeler qui sont les gens, ce qu'ils font, on leur donne des attributs, la couleur violette, la mitre, la crosse... Dans notre "costume de ville",
nous avons l'anneau, symbole de nos épousailles avec un peuple et la croix
pectorale. Celle-ci est tout à fait boulonnaise, elle a une barque en son coeur. Les croix se transmettent d'évêques en évêques.
Frédéric : peut-être auriez-vous, avant de partir, un dernier message à nous adresser ?
Mgr Jaeger : peut-être en avez-vous entendu parlé, l'année prochaine c'est l'année de Paul, mais dans le diocèse nous allons proposer à un maximum de personnes de se réunir
autour de l'Evangile de Saint-Marc pour accueillir la parole de Dieu, réfléchir à comment elle retentit dans nos vies. Nous essayerons d'être attentif à tout ceux qui répondront à l'invitation.
Et je souhaite que les jeunes se sentent aussi concernés, sans grande prétention, sans faire d'études théologiques, en se laissant porter par l'Evangile, en écoutant, en savourant, en se laissant
toucher par cette parole.
Prenez cette initiative ! (plus d'infos
ici)
Mgr Harpigny : pour les jeunes de votre âge, il est important d'avoir une relation personnelle avec Jésus, une relation qui ne regarde pas les autres, tout en restant ouverts aux autres
bien entendu...